Faits et solutions

L’intimidation fait encore l’objet de fausses croyances qui incitent les gens à penser que c’est un passage normal dans le développement de l’enfant.

Mais les faits nous disent le contraire. L’intimidation est un problème complexe qu’on ne peut résoudre que par une approche multidisciplinaire. Dans cette section, nous vous révélons les faits connus à ce jour sur l’intimidation ainsi que les différentes solutions et stratégies qu’il nous faut implanter si nous voulons réellement mettre fin à l’intimidation pour le mieux-être de nos enfants.

Fait : L’intimidation laisse de profondes blessures 

Fait: L’intimidation est à l’origine de nombreux problèmes de santé physique et mentale et de troubles sociaux. Contrairement à l’enfant qui ne vit aucun épisode d’intimidation :  

  • L’enfant victime d’intimidation souffre plus souvent que les autres de maux de tête et d’indigestion, de dépression et d’anxiété.  Les troubles de santé mentale associés à l’intimidation tendent à persister au cours de sa vie.
  • Les risques de suicide sont plus élevés tant chez l’enfant qui intimide que chez l’enfant qui en est victime.
  • On note un risque plus élevé de troubles d’adaptation scolaire chez l’enfant agresseur et l’enfant agressé : absentéisme, manque d’intérêt et piètres résultats académiques.
  • Chez les jeunes qui intimident leurs pairs, on note un risque plus élevé de consommer des drogues et de l’alcool et de perpétrer des actes criminels. L’un des plus grands chercheurs au monde sur le thème de l’intimidation affirme que 60% des garçons qui intimident leurs pairs à l’école primaire possèdent un dossier criminel à l’âge de 24 ans.

Solution: L’intimidation est un problème relationnel où l’enfant agresseur manque de respect envers ses pairs. Il est essentiel d’identifier sans délai les enfants impliqués – ceux qui intimident leurs pairs et ceux qui risquent de subir l’intimidation – afin d’aider ces enfants à apprendre à nouer de saines relations.

Fait : L’enfant n’évolue pas au contact de l’intimidation

Si nous n’intervenons pas, nombre d’enfants qui intimident leurs pairs aujourd’hui continueront à exercer ces abus de pouvoir dans leurs relations une fois entrer dans l’adolescence et dans l’âge adulte. L’intimidation s’exprime différemment à mesure que l’enfant grandit. À l’adolescence, il cherche à affirmer sa domination par de nouvelles formes d’agression. En développant sa pensée et ses habilités sociales, l’enfant prend aussi conscience que certains sont plus vulnérables que lui et qu’il peut les dominer. L’intimidation se raffine et s’exprime par des violences verbales, sociales, homophobes, raciales ou sexuelles. Avec le temps, ces nouvelles formes d’agression se transposent dans d’autres relations et d’autres milieux de vie. Cet apprentissage négatif de l’intimidation, pendant l’enfance, prend le visage de comportements destructeurs et répréhensifs comme le harcèlement sexuel au travail, la violence dans les relations amoureuses, la violence envers le conjoint, les enfants ou les aînés.

Solution: Nous devons identifier les cas d’intimidation et intervenir rapidement avant que la violence ne devienne un mode de fonctionnement adopté par l’enfant. Les adultes doivent savoir que l’intimidation s’exprime différemment selon les groupes d’âge; il est donc  parfois difficile à déceler.

Fait: La majorité de nos enfants sont touchés par des problèmes d’intimidation

Environ 12% des filles et 18% des garçons affirment avoir intimidé leurs pairs au moins à deux reprises au cours des derniers mois. De plus, 15% des filles et 18% des garçons disent avoir été victimes d’intimidation au moins à deux reprises au cours de la même période.

On peut en déduire que sur une classe de 35 élèves, 4 à 6 d’entre eux vivent l’intimidation soit comme agresseurs, agressés ou les deux à la fois. Un grand nombre d’enfants sont témoins d’actes d’intimidation et sont au courant de la situation. Ultimement, la majorité des enfants seront un jour impliqués dans une forme ou une autre d’intimidation et en seront victimes, dans une certaine mesure. Chez une petite minorité d’enfants seulement, l’intimidation sera à la fois répétitive, fréquente, grave et continue sur une longue période et ce, qu’ils soient agresseurs ou agressés. 

Solution: Pour que nos enfants vivent des relations saines et nourrissantes, il est essentiel que nos stratégies et programmes de prévention s’adressent à tous les enfants sans égard à leur rôle dans une situation d’intimidation : ceux qui intimident leurs pairs, ceux qui en sont victimes et ceux qui en sont témoins.

Fait: Au Canada, nous ne protégeons pas suffisamment nos enfants et nos jeunes

Selon une récente enquête menée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Canada arrive aux 26e et 27e rangs sur 35 pays en matière d’intimidation et de victimisation.

Notre position sur l’échiquier international montre que d’autres pays ont réussi, mieux que nous, à combattre et prévenir les méfaits de l’intimidation sur leur territoire. Cela s’explique par l’absence, au Canada, de toute campagne nationale de sensibilisation pour lutter contre l’intimidation. Le nombre effarant d’élèves ayant affirmé exercer ou subir de l’intimidation confirme qu’il s’agit d’un véritable fléau social. 

Solution: PREVNet (Promouvoir de saines Relations et Éliminer la Violence) a pour mission de mettre fin à l’intimidation au Canada et de promouvoir des relations sûres et saines pour le mieux-être de tous nos enfants et jeunes canadiens. Dirigé par deux chercheurs scientifiques, soit les docteures Debra Pepler de l’Université York et Wendy Craig de l’Université Queen’s, ce réseau national est le premier du genre au Canada – l’occasion nous est ici donnée d’innover au plan social et d’initier des changements sociaux-culturels importants au pays.

Fait: Signaler les cas d’intimidation contribue réellement à mettre fin à la violence

L’intimidation est un problème relationnel où le pouvoir et les abus de pouvoir sont en jeu. La dominance de l’agresseur est telle que l’enfant qui en est victime a bien du mal à s’extirper de cette relation destructrice. Il tentera à maintes reprises d’y mettre fin par lui-même mais habituellement sans succès; de fait, ces tentatives risquent d’envenimer la situation.  Un adulte responsable doit intervenir pour mettre fin à ces abus de pouvoir et rétablir l’équilibre. Parfois, l’enfant et les parents devront signaler la situation à plusieurs adultes avant qu’on ne prenne les mesures qui s’imposent pour que cesse ces actes d’intimidation.

Nous savons que les enfants victimes d’intimidation qui ont dénoncé le fait à un adulte  souffrent moins d’intimidation l’année suivante que ceux qui n’ont pas osé en parler.  Lorsque nul ne dénonce l’intimidation, l’agresseur a le sentiment de pouvoir continuer à intimider les autres sans danger. Ce secret bien gardé lui confère encore plus de pouvoir.

Solution: Nous devons encourager les enfants à signaler toute forme d’intimidation et leur fournir des trucs et des stratégies de dénonciation. L’adulte responsable doit demander clairement aux enfants de le tenir au courant de leurs expériences ; il doit leur dire qu’il sera là pour les aider, au besoin, à mettre fin à toute forme d’intimidation – car les adultes ont le pouvoir et le devoir de le faire.

Fait: Contre-attaquer ne fait qu’envenimer la situation

Les actes d’intimidation risquent de s’aggraver lorsque l’enfant qui en est victime tente de contre-attaquer. Selon nos études, un enfant qui emploie la violence pour répondre aux jeunes qui l’intimident voit sa situation s’envenimer ; souvent, il sera agressé avec plus de violence et sur une plus longue période.

Solution: Nous devons inciter les enfants à s’affirmer davantage, sans agressivité, et à informer un adulte de confiance de ce qui leur arrive. Savoir s’affirmer signifie que si un enfant se fait intimider, il dit haut et fort que l’intimidation, ce n’est pas cool ni acceptable et qu’il ou elle en informera un adulte responsable si l’agresseur n’y met pas fin sur le champ. Une affirmation bien énoncée se fait en termes claires et respectueux – sans insulter ni humilier l’agresseur. On peut apprendre aux enfants à maîtriser ces affirmations par le coaching et les jeux de rôle.

Fait: L’intimidation est partout où l’enfant vit, joue, apprend

Bien que les actes d’intimidation ont surtout lieu dans la classe, la cour d’école et l’autobus scolaire où les jeunes se retrouvent entre eux, nous savons malgré tout qu’il s’agit d’un problème social et non uniquement scolaire. Comme l’école est l’institution la plus importante dans la vie de l’enfant, elle peut jouer un rôle de premier plan pour contrer l’intimidation.

Solution: Les adultes jouent un rôle capital dans l’apprentissage de saines relations chez nos enfants et nos jeunes. Tous les adultes ont la responsabilité de créer un environnement sain, de promouvoir de bonnes relations et de mettre un terme à la violence dans les milieux de vie de nos enfants. Ils peuvent mettre sur pied des activités sociales dans le but de protéger et de soutenir de saines relations chez les enfants et mettre fin à toute forme d’intimidation.

Fait: L’intimidation existe parfois au sein même de la famille ou à la maison

On définit l’intimidation comme un problème relationnel caractérisé par des agressions répétées de la part d’une personne abusant de son pouvoir sur autrui. Lorsque des agressions répétées se produisent au sein d’une famille, on parle alors d’abus envers un enfant, d’abus envers un aîné ou de violence conjugale. Lorsque ces comportements se produisent entre pairs, on parle plutôt d’intimidation ou de harcèlement. L’abus peut se produire au sein d’un couple dans le cadre d’une relation amoureuse (violence conjugale ou entre partenaires, violence envers la femme), entre parents et enfants (abus envers un enfant ou un aîné) et entre d’autres membres de la famille élargie (par ex. violence entre grands-parents, gendre, tante, oncle, cousin, cousine, etc.). On voit également certaines formes d’intimidation entre frères et sœurs, cousins et cousines.

C’est au sein de la famille que l’enfant fait ses premières expériences relationnelles; cet apprentissage sera le fondement de ses relations interpersonnelles à venir. On note parfois un déséquilibre dans le rapport de force entre deux parents ou entre les adultes au sein de la famille en raison de facteurs biologiques, culturels, psychologiques et économiques. En contrepartie, il est clair que les parents ou tuteurs exercent un pouvoir sur l’enfant puisque ce dernier est vulnérable, immature et dépendant. Enfin dans les relations entre frères et sœurs ou cousins et cousines, le plus âgé détient souvent le pouvoir en raison de sa taille, de ses habiletés ou de son statut au sein de la famille.

Malgré ces jeux de pouvoir au sein de la famille, il existe un principe fondamental voulant qu’au sein d’une même famille, les membres les plus puissants aient la responsabilité de veiller au bien-être des plus vulnérables. On parle d’abus lorsqu’on néglige à répétition d’assumer cette responsabilité (soit par négligence ou par des actes qui entraînent une certaine détresse chez le plus vulnérable). La recherche montre une corrélation entre le fait de subir ou d’être témoin de relations abusives au sein de notre famille durant l’enfance et le fait de subir ou de perpétrer des actes d’intimidation dans nos relations ultérieures à l’âge adulte.

Solution: C’est capital ! Il faut que nos enfants puissent nouer des relations saines et sûres au sein du noyau familial. Nous devons absolument leur enseigner ce principe relationnel par l’exemple, dans nos gestes et nos paroles : lorsque le pouvoir est inégalement réparti entre deux individus, le plus puissant a le devoir de veiller au bien-être du plus vulnérable. Quand un adulte donne le bon exemple, respecte les autres et prend soin des êtres plus dépendants et vulnérables au sein de la famille et ailleurs, il contribue à promouvoir de saines relations et à prévenir l’abus et l’intimidation.

Fait: Les pairs jouent un rôle déterminant en situation d’intimidation – ils contribuent à envenimer les choses ou à y mettre un terme

Dans le cadre d’une recherche visant à observer les actes d’intimidation dans une cour d’école, on note que dans 85 à 88% des cas, les pairs étaient présents et observaient le tout. Dans l’ensemble, les pairs ont passé 54% du temps à regarder la scène, 21 % du temps à joindre les rangs des agresseurs et 25% du temps à observer l’enfant qui se faisait intimider. Même si la majorité des enfants affirment ne pas aimer voir un autre enfant se faire agresser, ils sont attirés par une scène d’intimidation. Ceux qui en sont témoins font leur classe en apprenant comment faire mauvais usage du pouvoir et de la violence dans leurs relations. Au fil du temps, ils finissent par « banaliser » les actes d’intimidation.

L’enfant qui intimide son entourage devant un public captif attire l’attention de ses pairs, ce qui lui confère un certain statut social. Ces deux facteurs, attention et statut social, renforcent son comportement agressif (qui risque, évidemment, de se répéter). Toutefois,  lorsqu’un pair trouve le courage d’intervenir, l’agresseur cesse d’intimider l’enfant en dix secondes à peine et ce, dans la majorité des épisodes d’intimidation ayant lieu dans une cour d’école.

Solution : Transformer les témoins en héros ! Les enfants ont besoin de notre aide pour bien comprendre leur responsabilité sociale, leur devoir d’intervenir lorsqu’ils découvrent qu’un des leurs se fait intimider. Les adultes peuvent guider les enfants en leur enseignant à prendre action, en groupe, pour agir avec fermeté et contrer l’intimidation. Quand plusieurs enfants se lèvent ensemble pour intervenir, ils peuvent parvenir à renverser la vapeur et rétablir un rapport de force équitable. On peut les coacher par la pratique de jeux de rôle ; on doit leur fournir des scénarios qui leur indiquent quoi dire et comment intervenir de manière efficace et positive. Si un enfant se sent trop vulnérable pour faire face aux jeunes agresseurs, on doit l’encourager à signaler les cas d’intimidation à un adulte de confiance.

Fait : L’intimidation est une atteinte aux droits humains – le droit à l’inclusion et à la sécurité.

Nombre d’enfants vivent la dure réalité de l’intimidation au quotidien. Cet abus de pouvoir est une violation des droits humains. L’enfant piégé dans les filets de l’intimidation doit être aidé et encouragé à développer de bonnes habitudes, à vivre de saines relations et à assurer son propre bien-être.

Le Canada a ratifié la Convention relative aux droits des enfants (CDE) adoptée par les  Nations Unies. L’article 29 de cette Convention spécifie que l’éducation doit viser à : 

Préparer l'enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d'égalité entre les sexes et d'amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes d'origine autochtone.

En conséquence, notre société a la responsabilité d’offrir aux enfants une éducation qui favorise l’acquisition d’habitudes et de comportements sains et qui interdit le recours à l’abus de pouvoir pour intimider ou harceler ses semblables.

Dans l’article 19 de la Convention relative aux droits des enfants des Nations Unies, on précise les droits des enfants victimes d’intimidation ou de harcèlement :

Les États parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié.

Depuis toujours, nous nous préoccupons surtout des abus perpétrés par des adultes envers les enfants. Mais la recherche sur l’intimidation nous apprend que nous devons également protéger l’enfant contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales perpétrées par ses pairs. Pour chaque enfant souffrant d’abus sexuel de la part d’adultes, on compte trois enfants battus par ses pairs.

Solution : La protection de l’enfant commence auprès des adultes qui en ont la garde.

Ce sont les parents, les enseignants et tous les adultes oeuvrant auprès des enfants et des jeunes au sein de la communauté qui ont la responsabilité première de les protéger contre toute forme d’abus,  y compris l’intimidation. À la maison, les parents ont la responsabilité d’offrir à l’enfant un milieu de vie sain où grandir en toute sécurité. Les adultes oeuvrant à l’école, dans les sports et les loisirs communautaires ont tous la responsabilité d’assurer le bien-être et la sécurité des enfants qu’on leur confie.

Promouvoir de saines relations est un moyen efficace de contrer l’intimidation et d’aider les jeunes à acquérir des habilités relationnelles ainsi que la compréhension et le respect d’autrui, le sens des responsabilités sociales et de la citoyenneté. PREVNet soutient que ces qualités sont le fondement d’une société harmonieuse, paisible et productive.